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In memoriam – ALAIN DEGAGE (2 janvier 1948 – 3 novembre 2018)

ALAIN DEGAGE
2 janvier 1948 – 3 novembre 2018

Alain Degage était une figure tutélaire de l’université de Perpignan dont il était l’enseignant le plus ancien lorsqu’il nous a quittés ce 3 novembre 2018.
Il adorait l’enseignement, était apprécié par ses collègues et vénéré par ses élèves. Deux villes, deux « allégeances », ont marqué sa vie : Sète « sa » ville qu’il n’a jamais quittée et Perpignan où se trouvait « sa » faculté.

Au terme d’un cursus juridique à la Faculté de droit de Montpellier, il intègre l’équipe d’historiens du droit d’André Gouron et soutient, sous sa direction, en 1971, en vue du D.E.S., un mémoire sur Le contrat d’affrairamentum à travers deux juristes méridionaux du XVe siècle : Jean Barbier et Étienne Marcillet ; ce premier travail est le point de départ de sa thèse de doctorat d’État (Essais sur le Viatorium Juris et le Doctrinale Florum de Jean Barbier et d’Etienne Marcillet, auteurs languedociens du XVe siècle – Les contrats), soutenue le 24 octobre 1975 dans les « préfabriqués » du collège d’études juridiques de Perpignan, matrice de la future Faculté de droit, mais alors simple « colonie » montpelliéraine. S’il demeure « l’homme de Sète », ville qu’il ne quittera jamais, Alain Degage s’installe « professionnellement » dans la capitale du Roussillon. Après y avoir été, pendant quelques années, chargé d’enseignement dirigé, faisant équipe successivement avec B. Durand, J. Michaud, A. Castaldo, Ph. Bouges et J.-M. Carbasse, il y deviendra assistant des Facultés de droit en avril 1983, maître de conférences en janvier 1986 et professeur des Universités en novembre 1998. Il y dispensa pendant plus de trente ans tous les cours en usage chez les historiens juristes assumant notamment pendant plus de deux décennies celui de première an-née qu’il inaugurait, à la surprise intéressée des étudiants, en revêtant le costume universitaire. Son label « officiel », si l’on peut dire, est le droit romain médiéval. Il ne s’y éternisera pas. Et il faut analyser les jalons de sa longue carrière pour percevoir la complexité de sa recherche. Alain Degage est d’abord sétois ; il scrute les archives municipales de sa ville se transformant en chartiste et publiant en 1990 et 1992 plusieurs répertoires sur les baptêmes, mariages, abjurations et décès, relatifs notamment à l’église réformée de Sète au XVIIIe siècle ; mais il est aussi l’historien de sa ville et de sa région aux-quelles il consacre plusieurs monographies (Le port de la ville de Sète, 1689-1789, 1978, Les fortifications du port de Sète, 1978 ; L’amirauté de Sète de 1691 à 1735, 1983 ; Les rues de Sète, 1988 ; Histoire de Frontignan-La Peyrade, 1989 ; L’Andorre, 1998…).

Citoyen d’une ville maritime, Alain Degage se perçoit comme « marin » et consacre plusieurs publications de pure histoire maritime à cette passion (Goélettes à voile des îles australes : localement dénommées Tuhaapae, 1990 ; Le Rhône : histoire d’une corvette de charge et de ses commandants, Le Havre 1805-Marseillan 1836, 1991…), ce qui l’éloignera quelque peu de l’histoire des institutions, le conduisant directement à la pratique du droit maritime. De nombreux articles (dans le Bulletin I.R.S. ou la RFMD) témoignent de cette orientation dont la qualité fondera sa nomination pour trois ans, le 20 février 1997, comme « médiateur en cas de conflit du travail » dans l’immense ressort de la direction interrégionale des affaires maritimes en Méditerranée. La liste des sept « marins » experts nommés par l’arrêté est composite, deux universitaires seulement y figurent : Alain Degage et le grand maritimiste aixois Pierre Bonassies. Dans ce prolongement, il sera élu en 2000 directeur de l’Institut d’Administration des Entreprises, U.F.R. de l’université de Perpignan où il créera notamment le DESS devenu master 2 « en gestion des activités maritimes et portuaires », toujours dispensé et actuellement délocalisé à Sète.

Sa contribution la plus fondamentale au rayonnement de son Université est cependant sans aucun doute sa participation active aux enseignements, notamment au Maroc, de la faculté internationale de droit comparé des États francophones, et aux travaux du Centre d’Études et de Recherches Juridiques sur les Espaces Méditerranéen et Africain Francophones (CERJEMAF) dont il fut, pendant toute l’existence de cette équipe d’accueil, une des chevilles ouvrières de l’histoire de la colonisation juridique, ce qui se traduisit notamment par la direction d’une trentaine de thèses dont la plupart des auteurs enseignent aujourd’hui dans une Université francophone.

Le départ d’Alain Degage, enseignant dévoué plébiscité par ses étudiants, collègue chaleureux, suscite bien des regrets. Nous ne l’oublierons pas.

François-Paul BLANC
Professeur émérite à l’Université de Perpignan – Via-Domitia

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