In memoriam – ALINE LOGETTE (27 décembre 1932 – 14 novembre 2018)

ALINE LOGETTE
27 décembre 1932 – 14 novembre 2018

Née dans la Cité des Ducs de Lorraine le 27 dé-cembre 1932, Aline Logette est décédée le 14 novembre 2018. Elle a suivi ses études à la Faculté de droit de Nancy. Parallèlement aux recherches néces-saires à l’écriture de sa thèse, elle sera avocate. Inscrite à l’Ordre des Avocats à la Cour d’appel de Nancy le 14 décembre 1955, date de sa prestation de serment, elle y servira cinq années. Le bâtonnier Alphonse Bourjault acceptera sa démission à contrecoeur, en mettant l’accent sur son « talent », sa « conscience professionnelle » et sa « diligence ». Le 27 février 1961, Mme Aline Logette soutient à la Faculté de droit de Nancy, une thèse intitulée Le comité contentieux des finances près le Conseil du Roi (1777-1791) (Nancy, Publications du Centre Lorrain d’Histoire du Droit, 1964, 323 p.), sous la direction du Professeur Marguerite Boulet-Sautel. Envisageant un temps une carrière dans la magistrature, elle choisira de servir la Faculté de droit de Nancy, d’abord comme maître assistant (à partir du premier octobre 1962), puis comme maître de conférences (au 1er janvier 1985) jusqu’à sa retraite en 1998.

Derrière ces notations sèches, se dévoile l’équilibre d’une vie dévouée à la recherche et aux étudiants. Ces derniers savent le soutien fidèle qu’elle a pu leur apporter jusqu’à ses dernières directions de travaux. L’institution sait le grand dévouement qui fut le sien et sa fierté d’appartenir à une Faculté respectueuse des traditions (citons, ici, son Histoire de la Faculté de droit de Nancy (1768-1864-1914), Nancy, PUN, 263 p.). Et puis, il y a ces hasards qui tissent toute vie, cette inquiétude de savoir, et l’oubli de soi
dans la reconstitution fidèle du passé, avec ses logiques humaines et institutionnelles. Ce fut la grande passion de Madame Aline Logette qui a magnifiquement servi son métier en usant de ce jeu raffiné de la collecte, de l’analyse et de la combinaison de milliers de faits, en juriste et en historienne.

Ses travaux ont suivi plusieurs directions mais ressortent pour l’essentiel de deux domaines. Aline Logette, depuis sa thèse, n’a cessé d’explorer les institutions publiques du Royaume de France. Outre ses ouvrages, des études particulières se sont attachées à l’examen des institutions financières (par ex. « La régie générale du temps de Necker et de ses successeurs (1777-1786) », RHD, 1982, p. 415-445 ; « Prévoyance sociale ou charité ? Les retraites des employés de la Régie générale (1777-1785) », XVIIIe siècle, t. XVI, 1984, p. 253-259 ; « Les amidonniers et la Régie générale (1777-1786) », XVIIIe siècle, t. XVII, 1985, p. 317-328 ; « Éléments pour une bibliographie critique du Contrôle général des finances (1665-1790) », Études et documents. Conseil d’État, 1989, p. 219). Aline Logette s’est aussi attachée à l’histoire du droit pénal, appuyant ses réflexions sur l’analyse des archives de la Lorraine de la fin de l’Ancien Régime et mettant en avant des territoires peu explorés au moment de la publication de ses travaux (par ex. « La délinquance féminine devant la cour souveraine de Lorraine et de Barrois », Annales de l’Est, 1980, p. 133-159 ; « La peine capitale devant la cour souveraine de Lorraine et Barrois à la fin du règne de Louis XIV », XVIIe siècle, t. 126, 1980, p. 7-19 ; « Naissances illégitimes en Lorraine dans la première moitié du XVIIIe siècle d’après les déclarations de grossesse et la jurisprudence », Annales de l’Est, 1983, p. 91-125 et 221-245).

Un ouvrage récent, publié en l’honneur d’Aline Logette, permet d’apprécier le savoir étendu et précis, précis dans le détail, de la juriste et de l’historienne. Celle-ci rassemble sous le titre Gouverner et administrer en Lorraine au début du XVIIIe siècle, deux ouvrages distincts mais situés dans une étroite parenté d’interrogation (Nancy, PUN, Histoire du droit, 2014, 433 p.). Cette publication a été suivie de près par Aline Logette qui, dans des circonstances difficiles, mais soutenue par sa famille, avait confié à ses collègues historiens du droit la publication d’un précédent ouvrage, déjà paru, sur les grâces ducales (Le prince contre les juges. Grâce ducale et justice criminelle en Lorraine au XVIIIe siècle. Nancy, PUN, 1994, 172 p.) et d’un ouvrage inédit, demeuré manuscrit, et tout à fait remarquable, sur les lettres de cachet [De par Son Altesse Royale. L’administration par lettres de cachet en Lorraine au début du XVIIIe siècle (1698-1737)]. Aline Logette s’attache ici à l’examen de la « tradition administrative », étudiée à partir d’un écheveau de sources archivistiques, et à l’action de souverains animés par les idées et croyances du « courant absolutiste » apprécié plus sévèrement dans la première étude que dans la seconde. Une chose ressort de façon éclatante : l’efficacité de cet État Lorrain, un État de justice qui aurait déployé toutes ses virtualités au sein d’un territoire exigu, et dans lequel le Souverain apporte d’indispensables correctifs à l’action de ses agents et à l’arbitraire des juges. Aline Logette considère tout particulièrement à ce qu’elle nomme « quotidien » (quotidien de l’administration, quotidien des diverses collectivités humaines envisagées, etc.). Elle l’avait toujours à l’esprit en écrivant et en parlait encore hier comme le point central de ses recherches : la chose la plus importante, la vie dans tous ses aspects mêmes les plus ténus, la vie dans ce qu’elle pas de plus singulier, et, dans le même temps, de plus attendu et répétitif !

La délicatesse d’Aline Logette la poussait dans ses travaux à ne jamais tirer des conclusions qui n’auraient été que trop subjectives. Dans la vie, comme l’a dit lors d’émouvantes obsèques une fidèle amie, Aline Logette était « une belle personne », aux yeux d’un bleu si clair et à l’infinie douceur.

Antoine ASTAING
Professeur à l’Université de Lorraine

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