Cartographie des disciplines rares
Nous reproduisons ici (en le remettant légèrement en forme) le contenu du site du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Disciplines rares un potentiel à valoriser !
L’une des missions de l’État est de veiller au développement et à la protection du patrimoine intellectuel, scientifique et culturel, en accompagnant en particulier les disciplines dites rares, dont les effectifs d’enseignants-chercheurs, de chercheurs et d’étudiants diminuent parfois, alors même que leur intérêt scientifique demeure. C’est aussi d’accompagner les disciplines émergentes qui trouvent difficilement leur place dans le paysage institutionnel. Il est donc essentiel d’élaborer une cartographie de ces disciplines qui représentent un véritable potentiel pour la vitalité des sciences et leurs dynamiques.
Présentation
Les disciplines rares concernent tous les champs disciplinaires : langues, sciences humaines et sociales (étude des mondes anciens comme la papyrologie) ou encore sciences dites « dures » comme la cristallographie ou de nouveaux champs des sciences de la vie.
Une discipline rare est une discipline comportant de faibles effectifs d’enseignants-chercheurs, chercheurs, ingénieurs de recherche et/ou d’étudiants. Trois catégories de disciplines rares sont à distinguer :
- des disciplines rares parce qu’en émergence ou en mutation, recomposition,
- des disciplines rares par essence,
- des disciplines rares parce qu’en diminution d’effectifs.
Bien que le terme de « discipline » soit conservé, en référence au rapport des trois présidents, le grain d’analyse visé est plus fin et correspond en réalité à des spécialités ou domaines d’enseignement ainsi qu’à des thématiques de recherche, soit à un niveau plus fin que celui des sections CNU ou Co-NRS, traditionnellement considérées comme des disciplines.
Pour établir la cartographie des « disciplines rares » il ne suffit donc pas de reprendre les catégories usuelles des sections du CNU ou du CoNRS ; aussi est-il indispensable de revenir vers les enseignants-chercheurs et les chercheurs pour qu’ils participent à l’identification des spécialités ou domaines de recherche et de formation, qui puissent être qualifiés de « disciplines rares ».
Apport de l’expérience allemande
En Allemagne, les travaux sur les « disciplines rares » (Kleine Fächer) ont débuté dans les années 70. Le projet Disciplines rares fait l’objet d’une coopération avec la Mainzer Arbeitsstelle Kleine Fächer (MAKF), soutenu financièrement par la Fondation Volkswagen.
D’après les travaux du Professeur Rudolf Stichweh (Wissenschaft, Universität, Professionen. Soziologische Analysen, Bielefeld, Transcript, 2013), une discipline est définie selon plusieurs dimensions :
- constituer un corpus distinct de connaissances scientifiques (dimension cognitive),
- disposer de méthodes de recherche et de paradigmes propres pour répondre aux questions scientifiques de son domaine (dimension cognitive),
- disposer de vecteurs de communication pour diffuser ses connaissances, résultats de ses recherches et se développer (dimension communicative),
- représenter une communauté scientifique identifiable au travers d’une carrière et d’un processus d’institutionnalisation (dimension sociale).
La MAKF a défini cinq critères pour identifier une « discipline » (Fach) :
- Être considérée comme une discipline autonome par les scientifiques du domaine,
- Être reconnue au sein d’une société savante nationale et/ou internationale,
- Disposer de revues scientifiques nationales et/ou internationales,
- Être dispensée par un personnel titulaire dont la dénomination est spécifique,
- Faire l’objet d’un cursus, d’un parcours ou d’un enseignement prépondérant au sein d’un cursus, et un critère quantitatif pour délimiter les « petites » des autres « disciplines » : trois Professuren (professorats) par implantation universitaire est le nombre maximal admis pour qu’une « discipline » soit reconnue comme une « petite discipline ». Cependant, compte tenu des spécificités de certaines « disciplines » une tolérance de deux exceptions maximum à ce critère sur l’ensemble du territoire allemand est admise.
Le projet Disciplines rares vise ainsi à une adaptation de ces critères dans le paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche français et à l’élaboration d’une liste commune franco-allemande de disciplines rares/Kleine Fächer.
Un comité de pilotage et un groupe de travail
Pour conduire cette opération, le MESRI a mis en place, en mars 2021, un comité de pilotage et un groupe de travail constitués de huit institutions ayant engagé des projets en ce sens : CPU, CP-CNU, CNRS, ANR, Alliance Athéna (Alliance thématique nationale des sciences humaines et sociales), AllEnvi (Alliance nationale de recherche pour l’environnement), INALCO (Institut national des langues et civilisations orientales) et UFA-DFH (Université franco-allemande), afin de coordonner les travaux d’identification et de quantification des disciplines rares et d’être le partenaire français de l’Arbeitsstelle Kleine Fächer de la Johannes Gutenberg Universität de Mayence, ce projet s’inscrivant dans une double perspective :
- disposer au niveau national d’une information fiable sur l’état et l’évolution des spécialités disciplinaires à petits effectifs – comme l’avait préconisé le rapport des Présidents d’Universités Fabienne Blaise, Pierre Mutzenhardt et Gilles Roussel (le lien figure ci-dessous) – une information nécessaire à l’élaboration de réponses adaptées au plan local, national ou européen ;
- répondre à l’entreprise européenne de mise en réseaux des disciplines rares en participant au projet pilote de cartographie commune franco-allemande.
Les trois niveaux d’action – État, établissements d’enseignement supérieur et de recherche et Europe – sont complémentaires pour défendre et promouvoir les disciplines rares.
Mieux identifier et quantifier les disciplines rares
Une première étape appuyée sur deux expérimentations conduites en 2018 et 2019, auprès des enseignants-chercheurs et chercheurs du secteur disciplinaire des Sciences de l’Antiquité, a permis de préciser les attendus et le dispositif d’enquête nécessaires à la collecte des informations pour identifier et quantifier les disciplines rares.
Une deuxième étape est désormais à l’œuvre, visant une généralisation de l’enquête à l’ensemble des disciplines – secteur Santé inclus – et à l’ensemble des établissements, au moyen d’un questionnaire en ligne. Les réponses ainsi collectées feront l’objet d’une analyse conduite par le groupe de travail Disciplines rares, en étroite collaboration avec les scientifiques souhaitant participer à l’identification et à la définition des disciplines rares de leurs secteurs disciplinaires respectifs. Le lancement des enquêtes auprès des enseignants-chercheurs, chercheurs, ingénieurs de recherche, mais aussi auprès des vice-présidents Formation, vice-présidents Recherche et directeurs adjoints scientifiques du CNRS est envisagé début 2021.
Outre une première liste des Disciplines rares envisagée à l’été 2021, ces enquêtes devraient permettre d’établir conjointement une base de données d’experts afin de faciliter les travaux en réseau et l’interdisciplinarité.
Liens :
– Rapport de F. Blaise, P. Mutzenhardt et G. Roussel :
– Liste des Kleine Fächer allemandes : https://www.kleinefaecher.de/
Pour toute question concernant les disciplines rares : disciplinesrares@enseignementsup.gouv.fr
Les enseignants-chercheurs sont invités à répondre à une enquête (jusqu’au 31 mai) : https://disciplines-rares.renater.fr/limesurvey/index.php/468153?lang=fr