(R)assurer l’avenir de l’histoire du droit

Comme évoqué lors de la dernière assemblée générale, nous inaugurons – enfin – une nouvelle rubrique intitulée « Tribune » qui se veut un lieu d’expression ouvert à tous les collègues désireux de partager leur regard sur la discipline. Si vous désirez proposer un texte, nous vous invitons à nous l’envoyer à l’adresse suivante : contact@assohfd.fr.

DEUX POSTES. Telle était cette année l’étroite possibilité de donner corps aux espoirs que la section d’histoire du droit avait placés en chacun des candidats-docteurs au moment de leur première – nous soulignons – qualification par le CNU. La cuvée 2025 ne faisant désormais aucunement exception sur ce plan, l’université française devrait bientôt pouvoir accorder un diplôme – ô combien professionnalisant ! – qui reconnaîtrait les précieuses qualités de courage et de persévérance aux docteurs qualifiés en histoire du droit. Et en attendant, les historiens des Facultés de droit que nous sommes ne peuvent que les remercier chaque jour un peu plus de permettre, par la seule force de leur dévouement, le maintien de l’histoire du droit au rang de discipline vivante, toujours capable de se renouveler. À défaut de promesses, notre responsabilité envers ces docteurs et doctorants se situe sans doute dans notre activité individuelle et surtout collective visant à maintenir, autant que possible, ce feu sacré qui anime chacun d’entre eux depuis le premier jour de thèse, et malheureusement pour certains – de plus en plus nombreux – très longtemps encore après l’avoir soutenue.

La trajectoire prise depuis plusieurs années par les effectifs de la section d’histoire du droit incite, pour le moins, à la plus grande vigilance. Les déclinistes diront que l’état actuel des finances publiques invite à comprendre que la question plus globale des effectifs des enseignants-chercheurs s’inscrit en tout premier lieu dans une implacable logique budgétaire. Mais à observer précisément la situation de la section d’histoire du droit, sa trajectoire se détache des autres sections juridiques et repose sur un triste paradoxe : face à l’augmentation progressive du nombre des étudiants accueillis en Faculté de droit, celui des historiens du droit titulaires a globalement diminué – particulièrement chez les maîtres de conférences – quand les corps de professeurs et de maîtres de conférences des sections voisines ont connu une dynamique inverse, bien que mesurée.

Prestigieuse et exigeante depuis ses lointaines origines, la formation juridique ne peut décemment faire l’impasse sur l’histoire du droit, au risque de se trahir elle-même. Pourtant, ce triste croisement entre l’augmentation du nombre d’étudiants des Facultés de droit et le déclin de celui des historiens du droit invite, par-delà la seule discussion budgétaire d’ordre général, à interroger la place désormais réservée à cette discipline dans la formation de nos juristes.Il nous faut convaincre, partout et sans relâche, que l’histoire du droit est en premier lieu un pilier à part entière de ce triptyque constituant le socle commun des études juridiques, avant de devenir un important levier de perfectionnement sur le chemin de toute forme de spécialisation juridique.Conséquence naturelle du non-renouvellement d’un certain nombre de postes de titulaires, la rareté de plus en plus visible du corps enseignant des historiens au sein des Facultés de droit ne doit pas signifier l’amorce d’un lent basculement vers une discipline en voie d’extinction. L’espoir est toujours permis. Pour s’en convaincre, il suffit de tourner le regard vers ces nombreux docteurs qui contribuent à la vivacité de notre discipline et dont le talent est d’ailleurs souvent remarqué des autres sections juridiques ou littéraires.

Pour continuer de briller, et même à terme d’exister, une discipline doit garantir les conditions d’éclosion d’une relève de haut vol. Tout l’enjeu consiste pour l’avenir à ne pas décourager définitivement les plus brillants étudiants de se lancer dans la rédaction d’une thèse d’histoire du droit, faute de perspective universitaire. L’union faisant la force, toute forme d’initiative collectivement organisée en vue de défendre et porter l’histoire du droit comme notre association cherche à le promouvoir est essentielle. Seule une voix collective permettra de déjouer le piège de la rareté, de l’isolement et in fine du retrait.

Mathieu Chaptal, au nom du Bureau de l’AHFD

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