In memoriam – MARIE-BERNADETTE BRUGUIÈRE (1er avril 1944 – 19 janvier 2019)
MARIE-BERNADETTE BRUGUIÈRE
1er avril 1944 – 19 janvier 2019
Marie-Bernadette Bruguière est née le 1er avril 1944 à Toulouse, ville où elle s’est éteinte le 19 janvier 2019.
Après des études générales au lycée de jeunes filles de Toulouse (1952-1961), Marie-Bernadette Bruguière entame de front, toujours à Toulouse, un triple cursus dès 1961 : à la Faculté de droit, à la Faculté des lettres, et à l’Institut d’études politiques. C’est vers le droit qu’elle se tourne définitivement en rédigeant, sous la di-rection de Jean Dauvillier, une thèse qu’elle soutiendra le 20 décembre 1968, sous le titre Littérature et droit dans la Gaule du Ve siècle (publiée à Toulouse chez Espic en 1974).
Le 25 octobre 1969, Marie-Bernadette Bruguière est agrégée de droit romain et d’histoire du droit. Le jury est alors composé de Paul Ourliac (président), William Seston, Jehan de Malafosse, Gérard Sautel, Roland Ganghofer. Cette année-là, le jury, disposant de 10 postes, a également agrégé (ordre alphabétique) Claude Aboucaya, Claude Bontemps, Michèle Bordeaux, Maryse Carlin, Georges Frêche, Olivier Guillot, Michel Humbert, André Laingui et Jacques Poumarède. Elle est immédiatement nommée, le 1er décembre 1969, maître de conférences agrégé à la Faculté de droit de Rouen – poste qu’elle n’occupera qu’un an et qu’elle quittera pour retourner à Toulouse.
De ce moment jusqu’à sa retraite, le 1er octobre 2004, Marie-Bernadette Bruguière enseigne l’Histoire des institutions (cours de 1ère année de droit), l’Histoire des idées politiques (cours de 2e année de droit), l’Histoire des institutions de l’Antiquité (cours de 3e année de droit). En 3e cycle et docto-rat, elle approfondit et expose une recherche de science politique tournée vers les récits mythiques de fondation politique, en particulier les échos et les répliques de la « légende troyenne » – depuis Virgile jusqu’à Eugène Sue, en passant notamment par Tite-Live, Nennius, Jean Lemaire de Belges, Ronsard, Jules Michelet… Pour cette raison, elle s’intéresse spécialement à l’oeuvre de J. R. R. Tolkien comme tentative à la fois linguistique et historique de création d’un monde à partir de sa légende de fondation. De la même manière elle scrute et reconstitue l’ensemble des généalogies royales d’Europe, qui forment une toile familiale sur laquelle reposent les arguments essentiels, réels ou mythiques, de la légitimité politique.
Ses centres d’intérêt sont multiples – archéologie, photographie, littérature… Mais l’art lyrique l’emporte définitivement sur tous les autres, bien plus comme passion scientifique que comme hobby intellectuel et artistique. Marie-Bernadette Bruguière publiera plusieurs dizaines d’articles analysant les liens entre droit, politique et opéra, dont certains seront rassemblés dans son recueil de mélanges : Droit, politique et opéra (Toulouse, Publications du CTHDIP, 2014).
Au cours de son évolution intellectuelle – à la lecture de sa bibliographie comportant plus d’une centaine de publications – on peut observer une mise à distance, en milieu de carrière, des questions strictement juridiques, ou de technique juridique qu’elle traitait pourtant (duel judiciaire, droit matrimonial…). Au fond, Marie-Bernadette Bruguière aura toujours été fidèle au plan qu’elle exposa dans sa thèse, un plan en entonnoir qui nécessite d’abord une connaissance approfondie en histoire générale, puis en histoire politique, pour saisir, in fine et venues d’elles, les conditions d’accrétion et de subduction des concepts et des mécanismes juridiques. La pensée de Marie-Bernadette Bruguière est ainsi tournée vers cette idée que le droit est tout entier une conséquence, un produit, de l’histoire.
Marie-Bernadette Bruguière était vice-présidente de l’AFHIP (association française des historiens des idées politiques), dont elle était un membre ac-tif et assidu depuis sa création en 1980. Elle tenait beaucoup à l’AFHIP, à sa complicité avec son président le professeur Michel Ganzin, en général à l’amitié des collègues aixois et des membres du bureau de l’association. Chaque année depuis la création de l’AFHIP, Marie-Bernadette Bruguière y
présentait une conférence, toujours publiée – jusqu’à son ultime article : « Souveraineté et propriété : les Habsbourg ».
Marie-Bernadette Bruguière, officier dans l’ordre des Palmes académiques, a passé l’ensemble de sa carrière à la Faculté de droit de l’Université des sciences sociales de Toulouse (désormais Université Tou-louse 1 – Capitole).
Boris BERNABÉ
Professeur à l’Université Paris-Sud, Paris-Saclay
Doyen de la Faculté Jean Monnet (droit, économie, gestion)
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